Délibération N° 2020-0312
Reprise en régie publique de la production et de la distribution de l’eau potable sur le territoire géré par le contrat de délégation de service public (DSP) confié à Eau du Grand Lyon à compter du 1er janvier 2023
Monsieur le Président, cher.e.s collègues,
La reprise en régie publique de la production et de la distribution de l’eau potable par la Métropole est évidemment un choix historique. Elle mettra fin au contrat de délégation de service public actuellement assuré par VEOLIA au 31 décembre 2022.
Ce choix est historique car Lyon et l’eau c’est une vieille histoire ! La célèbre Compagnie Générale des Eaux, ancêtre de VEOLIA, avait obtenu son premier contrat avec Lyon – une première mondiale à l’époque – en 1853 pour une durée de 99 ans. En 1880, le Crédit lyonnais créait la Lyonnaise des eaux et de l’éclairage, dans l’arbre généalogique de Suez, plantant ainsi le tableau de ces deux symboles du XXème siècle.
Déjà à l’époque bien ficelé pour la Compagnie Générale des Eaux, le contrat de concession a empêché à la Ville de Lyon tout retour en régie publique jusqu’en 1900, grâce à des indemnités de reprise en régie suffisamment astronomiques – 50 ans – pour étouffer toute velléité de changement.
Je passe rapidement les années de gestion en régie publique de Lyon pendant que la Compagnie Générale des Eaux s’établissait dans les villes alentour, ainsi que la création de la COURLY qui lui a permis de récupérer la gestion de l’eau. L’un des contrats suivants, celui de 1986 entre la Communauté Urbaine de Lyon et la Compagnie Générale des Eaux, devenu ensuite Vivendi puis Veolia, n’était pas moins bien ficelé puisqu’il a permis au groupe de distribuer des dividendes fabuleux pendant plus de 10 ans avec un prix de l’eau pour les consommateur-trice.s devenu l’un des plus chers de France.
Pendant 30 ans, ce contrat opaque, que la Cour des Comptes avait de nombreuses fois critiqué et que le Préfet avait qualifié de «Léonin», ne permettait aucun contrôle citoyen et avait une gestion inquiétante de l’entretien du réseau au vu de ses taux de fuite et de son pourcentage de renouvellement insuffisant. Pendant que son concurrent Suez défrayait la chronique à Grenoble avec l’affaire Carignon, Vivendi et son célèbre dirigeant Jean-Marie Messier rachetaient les studios Universal ! Saura-t-on jamais si et comment les investissements provisionnés et jamais réalisés pour gérer le réseau grand-lyonnais lui auront permis cette folie ?
Devant le scandale de ce contrat, une campagne importante pour le retour en régie publique a eu lieu en 2013-2014. Si elle n’a pas abouti, elle a quand même permis de constituer un contrat normalisé, limité à 8 ans, qui a permis une baisse à la fois du prix de l’abonnement et du m3 d’eau, mais aussi la création d’une filiale dédiée « Eau du Grand Lyon », mieux contrôlée techniquement et financièrement par la collectivité.
Toutes les composantes de l’actuelle majorité métropolitaine s’étaient engagées pendant la campagne à faire du retour en régie de la production et distribution de l’eau une des priorités de ce mandat, partant du principe simple que l’eau de la Métropole doit être traitée comme un bien public et pas comme une marchandise.
Tous ceux et celles qui se sont battus pendant des années pour une gestion publique et citoyenne de l’eau devraient se reconnaître dans la forme de régie choisie (une régie à personnalité morale et autonomie financière) qui est celle qui permet d’associer le plus les usager.e.s et les salarié.e.s à sa gestion.
Pour historique qu’il soit, le vote du 14 décembre n’est pas celui qui clôt le débat.
C’est au contraire celui qui nous permet d’entrer dans une nouvelle phase où nous pourrons travailler sur un certain nombre de questions pendant les deux ans qui nous séparent de l’entrée en fonction opérationnelle de la nouvelle régie :
Alors que des marchés financiers déterminent le cours du prix de l’eau dans un certain nombre de pays, que les spéculateurs flairent les bons coups derrière cette «ressource» rare, entraînant misère et territoires désœuvrés derrière eux, comme en Australie, il y a un enjeu planétaire à conserver le statut de ressource universelle à l’eau.
Le marché ne régule pas équitablement, c’est bien tout ce qu’il ne se sait pas faire, et je m’étonne encore qu’on reproduise éternellement ces mêmes erreurs. La cupidité n’a jamais permis les équilibres et le partage, et je plains les écologistes australiens qui ont soutenu la création de tels dérives dans leur pays.
A ceux qui sont toujours inquiets de confier au service public des métiers et missions importantes, je rappelle que si Veolia a pu masquer ses marges importantes dans la facture l’eau, c’est aussi parce que la part «assainissement» de celle-ci, stable et très compétitive, est gérée par une régie publique considérée comme l’une des plus efficaces de France en matière de technique comme de coût.
J’ai toute confiance en Anne Grosperrin pour mener ce nouveau champ des possibles, car cette délibération historique n’est pas un aboutissement mais le début de l’aventure.
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